lundi 12 avril 2010

Le masque


Tout ce qui est profond aime le masque. Les choses les plus profondes éprouvent même une certaine haine à l'égard des images et des symboles. Le contraire ne serait-il pas le meilleur déguisement que revêtirait la pudeur d'un dieu? C'est là une question digne d'être posée. Il serait singulier que quelque mystique n'eût pas essayé sur lui quelque chose de semblable. Il y a des phénomènes d'espèce si délicate qu'on fait bien de les ensevelir sous une grossièreté pour les rendre méconnaissables. Il est des actions inspirées par l'amour et une générosité sans bornes qu'il faut faire oublier en rossant à coups de bâton celui qui en a été témoin : façon de troubler sa mémoire. Quelques-uns s'entendent à troubler leur propre mémoire, à la martyriser pour exercer du moins une vengeance sur cet unique témoin. La pudeur est inventive. Ce ne sont pas les pires choses dont on a le plus honte. Un masque cache souvent autre chose que de la perfidie. Il y a tant de bonté dans la ruse! J'imagine sans peine un homme qui, ayant à cacher quelque chose de précieux et de délicat, roule à travers la vie, gros et rond, tel un fût de vin solidement cerclé. Sa subtile pudeur exige qu'il en soit ainsi. Pour un homme doué d'une pudeur profonde, les destinées et les crises délicates choisissent des voies où presque personne n'a jamais passé, des voies que doivent même ignorer ses plus intimes confidents. Il se cache d'eux lorsque sa vie est en danger et aussi lorsqu'il a reconquis sa sécurité. Un tel homme caché qui, par instinct, a besoin de la parole pour se taire et pour dissimuler, inépuisable dans les moyens de voiler sa pensée, veut que ce soit un masque qui emplisse, à sa place, le coeur et l'esprit de ses amis et il s'entend à encourager ce mirage. En admettant pourtant qu'il veuille être sincère, il s'apercevra un jour que, malgré tout, ce n'est qu'un masque que l'on connaît de lui - et qu'il est bon qu'il en soit ainsi. Tout esprit profond a besoin d'un masque. Je dirai plus encore : autour de tout esprit profond, grandit et se développe sans cesse un masque, grâce à l'interprétation toujours fausse, c'est-à-dire plate, de chacune de ses paroles, de chacune de ses démarches, du moindre signe de vie qu'il donne.

Par-delà le bien et le mal - Deuxième partie : Le libre esprit. Nietzsche

Il y a des passages tellement bons et délicieux que j'aimerai les garder à jamais dans mon palais. Et la sensation de plaisir que je ressens en les retapant en vaut la chandelle. ça me rappelle quand je suis allongée dans le noir, à la fin de mon cours de yoga, quand je fais mon dernier exercice de respiration, et que je ressens mon corps s'élever puis s'éteindre, bercée par la voix douce et sensuelle de mon prof trop sexy pour être vrai... Qui à la fin de chaque séance nous dit : je voudrai remercier tout le monde, pour votre patience, avec mon français. Avec son accent trop craquant, je souris dans le noir en dégustant ce bonheur qui se répète chaque jour et je dis : merci :) merci de reproduire la même magie à chaque fois :) Namasté.

1 commentaire:

Nietzsche a dit…

Top aphorisme!!