samedi 10 avril 2010

Je pense, dîtes-vous?


Il y a encore des observateurs assez naïfs pour croire qu'il existe des "certitudes immédiates", par exemple "je pense", ou, comme le croyait Schopenhauer, "je veux". Comme si la connaissance parvenait à saisir son objet purement et simplement, sous forme de "chose en soi", comme s'il n'y avait altération ni du côté du sujet, ni du côté de l'objet. Mais je répéterai cent fois que la "certitude immédiate", de même que la "connaissance absolue", la "chose en soi" renferment une contradiction dans les termes : il faudrait enfin échapper à la magie fallacieuse des mots. C'est bon pour le peuple de croire que la connaissance est le fait de connaître une chose jusqu'au bout. Le philosophe cependant doit se dire : "Si je décompose le processus logique exprimé dans la phrase "je pense", j'obtiens une série d'affirmations hasardeuses dont le fondement est difficile, peut-être impossible, à établir, - par exemple que c'est moi qui pense, qu'il doit y avoir quelque chose qui pense, que "penser" est l'activité et l'effet d'un être, considéré comme cause, qu'il existe un "moi", enfin qu'il a déjà été établi ce qu'il faut entendre par penser, - c'est-à-dire que je sais ce que penser veut dire.
Par-delà le bien et le mal - Première partie : Des préjugés des philosophes. Nietzsche

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