jeudi 2 septembre 2010

Sonia Rykiel, l'intranquille


Il y a certaines choses qui m'échapperont toujours, comme cet être qui est constitué des mêmes globules que moi mais qui ne me ressemble pas. Des fois, j'ai l'impression que j'ai plus de points communs avec le premier étranger croisé dans ce monde qu'avec cet être, qui a d'un point de vue scientifique, le plus de chances de me ressembler. Mais la science explique la forme et jamais le fond. N'est-ce pas ? C'est pourquoi les scientifiques assidus ne savent pas d'ailleurs. J'ai beau vouloir et croire pouvoir tout comprendre, cette fois-ci je n'en ai aucune envie. Je suis répugnée de ma propre espèce. C'est l'un des sentiments les plus insoutenables pour un humain, croyez-moi. Et si Hitler a vraiment été juif, ce soir je vois un peu ce qu'il voulait dire. Mais ne vous inquiétez pas, je ne me leurre pas, Hitler n'était qu'un pion de plus dans ce monde-la, aujourd'hui tout le monde sait ça.


Ce soir, une nouvelle personne s'ajoute à la liste des personnes qui ont influencé mon existence, elle m'a captivée dès qu'elle a prononcé ses premiers mots, dès qu'elle a fait ses premiers gestes, vous savez en jouant gracieusement avec ses doigts, comme si elle pianotait sur un clavier imaginaire et en recoiffant à chaque fois ses cheveux oranges-feu. C'est une grande dame.


Ce soir, je l'ai écoutée raconter sa vie (: depuis son enfance jusqu'à la femme qu'elle est devenue aujourd'hui. A 78 ans, elle est restée enfant, elle est restée rêveuse, elle est toujours dans son univers à 78 ans. A 78 ans, elle est toujours aussi belle, elle est toujours aussi Sonia Rykiel. Les rêveurs n'ont jamais le même destin que le reste des hommes, parce que les rêveurs cousent leur destin et le façonnent à leur âme, comme un couturier qui adapte un vêtement à son corps. Sonia Rykiel, ne trouvait pas de vêtement qui allait avec son corps, c'était soit trop petit, ou trop grand, ce n'était jamais tout à fait ça... alors elle a commencé à dessiner et à coudre ses propres vêtements. Les rêveurs ne voient pas de limites à leurs souhaits, alors ils font tout pour les exaucer et ça marche.


Ce soir, je regardais Sonia Rykiel, j'écoutais Sonia Rykiel, je ressentais Sonia Rykiel, et quand elle récitait ce poème mélancolique au fond de sa voiture noire, au fond d'une nuit aussi noire que tous ses vêtements préférés, j'ai su que tous les rêveurs sont mélancoliques au fond, que tous les rêveurs sont de grands solitaires au fond, que tous les rêveurs vivent leur vie avec passion et à 78 ans, ce qu'ils affectionnent le plus c'est encore leur solitude, dans les meilleurs des cas. Dans les pires, ils la pleurent. Ce soir j'étais Sonia Rykiel.


"Je suis une imposture de la mode. Je n'ai jamais étudié la couture... Dix ans après mes débuts, je me suis dit : ils vont se rendre compte que je ne suis pas une professionnelle, et puis rien du tout, j'ai continué."
"Il ne faut jamais retenir une femme qui veut partir."
"Il faut marcher les jambes légèrement ouvertes, avec liberté."
"Ce qui compte ce n'est pas être à la mode ou pas, ce qui compte c'est être bien."
"Quand j'étais enfant, j'étais un garçon manqué, je grimpais aux arbres."
"Il était important pour moi d'être amoureuse."


Chacune de ses phrases s'est marquée en moi, mais maintenant je suis incapable de m'en rappeler. Pourtant, elle a dit trop de choses qui m'ont fait sourire, puis éclater de rire parce que c'était des choses "folles et intimes" et qu'on partageait. Je suis tellement emportée par cette atmosphère où elle m'a plantée ce soir que je n'arrive pas à me retourner. Et puis surtout, comment le lien a été coupé, avec une telle brutalité... On ne sera jamais liées, toi et moi.

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